Soja et enfants extraordinaires : comment en consommer sans risques et avec bénéfices ?
- eugenieemorine
- 6 mai
- 5 min de lecture
Le 24 mars 2025, l’ANSES a publié un avis qui a semé le doute chez de nombreux parents : la consommation de soja dans la restauration collective est désormais déconseillée, en raison de la teneur élevée en isoflavones, ces substances végétales apparentées aux œstrogènes, des hormones sexuelles humaines.
Faut-il bannir le soja ? Non. Car bien cuisiné, bien dosé, le soja reste une excellente source de protéines végétales, particulièrement intéressante pour les familles végétariennes ou les enfants ayant des besoins nutritionnels spécifiques. L’objectif n’est donc pas de l’interdire, mais d’apprendre à le consommer intelligemment.
🌿 Isoflavones : modulateurs, pas copies conformes des œstrogènes
Les isoflavones, comme la génistéine et la daidzéine, sont des phyto-œstrogènes. Leur structure est similaire aux œstrogènes humains, mais leur action est nettement plus faible et bien plus subtile. Leur action est plus contextuelle et généralement moins risquée que celle des œstrogènes de synthèse. Leur impact dépend fortement de la dose, du contexte biologique et de l’individu, ce qui les distingue nettement des œstrogènes de synthèse dans leurs effets sur la santé.
➡️ Plusieurs scientifiques, notamment le Pr Kenneth Setchell (Université de Cincinnati), estiment que les phyto-œstrogènes doivent être vus comme des modulateurs sélectifs des récepteurs œstrogéniques (SERMs).
C'est à dire qu'ils peuvent soit activer, soit inhiber les récepteurs selon le contexte hormonal, l’âge, le sexe et l’état de santé(1).
Autrement dit, les phyto-œstrogènes n'agissent pas comme des œstrogènes de synthèse. Ils n'ont pas les mêmes effets à haute dose ni sur tous les tissus. Cette modulation pourrait même avoir des effets protecteurs dans certains cas (os, cœur, ménopause, voire cerveau).
Mais chez les enfants, notamment les plus jeunes, ou les enfants au profil neurologique particulier, la prudence reste de mise.
👶 Pourquoi la vigilance est renforcée pour les enfants TND (TSA, TDAH, DYS…) ?
Les enfants neuroatypiques présentent souvent :
Une immaturité métabolique (détoxification hépatique ralentie) ;
Une sensibilité accrue aux perturbateurs endocriniens (notamment ceux impliqués dans la thyroïde ou la dopamine) ;
Des troubles digestifs ou immunitaires plus fréquents (permeabilité intestinale, intolérances, dysbiose).
Les isoflavones, même modulatrices, peuvent avoir des effets hormonaux non linéaires, et perturber certains équilibres fragiles, en particulier pendant la croissance ou chez les enfants avec une hypothyroïdie latente.
Mais cela ne signifie pas qu’ils doivent être exclus du soja. Au contraire : il s’agit de privilégier les bonnes pratiques pour en faire un atout santé, pas un risque.
✅ Bonnes pratiques pour consommer du soja en toute sécurité
Les cuisines traditionnelles asiatiques — chinoise, japonaise, indonésienne — ont toujours intégré du soja dans leur alimentation en respectant des étapes de préparation qui limitent fortement la présence d’isoflavones.
Ces gestes ancestraux ne sont pas anodins : trempages longs et renouvelés dans de l’eau froide ; Rinçages répétés des graines ou du tofu ; Cuissons prolongées à ébullition ; Fermentations lentes (comme pour le miso ou le tempeh).
Ces procédés ont pour effet de diminuer les phytoestrogènes de 50 à 90 %, selon les étapes et leur durée.
→Ex. : Un lait de soja maison avec 4 rinçages contient 10 fois moins d’isoflavones qu’un lait industriel.
→ Le tofu maison, bien pressé, en contient 3 fois moins qu’un tofu du commerce.
Voici quelques conseils pour intégrer le soja à l’alimentation familiale sans danger, même chez les enfants extraordinaires.
✔️ 1. Limiter les apports industriels
Les produits industriels (laits, tofus, galettes, crèmes desserts) peuvent présenter des teneurs très élevées en isoflavones (car les durées de trempages n'ont pas été respectées).
Ex. : un verre de de lait de soja industriel de 250 ml = 32 mg de phytoestrogènes / verre
→ Un enfant ne devrait pas dépasser 10 mg / jour (selon l’interprétation souple de l’ANSES).
➡️ Astuces : faire votre lait de soja à la maison avec des graines de soja dépélliculées et trempées dans 4 bains différents (1 heure à chaque fois, puis trempage 12h). Recette complète sur le groupe facebook meex miam) ; rincer le tofu du commerce en le trempant dans un saladier d'eau 10 mn - renouveller 3 fois, ce qui permet de réduire sa teneur en phytoestrogènes de moitié.
✔️ 2. Privilégier le soja maison, préparé à l’asiatique
Les méthodes traditionnelles asiatiques (trempages successifs et longs, rinçages, cuisson) réduisent considérablement la teneur des préparations de soja en phytoestrogènes.
→ Lait de soja maison avec 4 rinçages → 0,6 mg / 100 ml
→Tofu maison avec trempages multiples → 8 mg / 100 g
💡 Cela permet à un enfant de consommer ponctuellement 1 petite portion sans dépasser les seuils.
✔️ 3. Adapter la fréquence
Pour un enfant de 30 kg, dose « sans effet » = 0,3 mg/j selon l’ANSES.
→Mais en consommation occasionnelle, on peut tolérer jusqu’à 10 mg/j pour un enfant, selon les toxicologues (NTP, 2008).
➡️ Recommandations alimentaires : Jusqu’à 2 à 3 portions maison / semaine de soja sont sans risque (hors allergie ou hypersensibilité aux protéines de soja) tofu, soupe miso, lait de soja, okara, etc.). Le soja est une excellente source de protéines végétales lorsqu'il est bien préparé !
🔴 Pas de soja tous les jours ni plusieurs fois par jour.
✔️ 4. Lire les étiquettes et surveiller le soja "caché"
La majorité des plats préparés industriels, notamment en cantine ou en entrée de gamme, contiennent du soja (protéines végétales texturées, lécithine, épaississants...). C'est sans doute le principal piège à éviter ! On en trouve même dans les steack hâchés du supermarché... Ce sont ces sources de soja industrielles, non trempées, qui contiennent le plus de phytoestrogènes.
➡️ Apprenez à repérer ces ingrédients et variez les sources de protéines végétales : lentilles, pois chiches, haricots rouges, quinoa, graines de courge, etc.
🧠 Et pour les enfants TDAH, TSA, DYS ?
Soyez particulièrement vigilants si votre enfant présente :
Une hypothyroïdie (ou antécédents familiaux) ;
Des troubles hormonaux (acné sévère, puberté précoce...) ;
Un régime végétalien strict (attention à ne pas compenser par du soja industriel quotidien).
➡️ Discutez avec un.e professionnel.le de santé ou nutritionniste spécialisé.e.
🌟 Conclusion : ne pas diaboliser le soja, mais le cuisiner avec soin
Le soja est une protéine végétale de haute qualité, riche en acides aminés, sans gluten, et assez peu allergène. Il peut parfaitement faire partie d’un régime équilibré, même chez les enfants extraordinaires, à condition :
de respecter les doses recommandées ;
de choisir des préparations maison ou peu transformées ;
de réduire les isoflavones par les bons procédés culinaires.
En somme, le problème n’est pas le soja, mais ce qu’on en fait ! Industrialisation, surconsommation et opacité des étiquettes sont les vrais ennemis à débusquer.
Eugénie Emorine - www.cognitiv.care
1 - 🔎 Référence : Setchell KD et al. (2006). "Phytoestrogens: the biochemistry, physiology, and implications for human health of soy isoflavones". Am J Clin Nutr.
2 - 🔎 Référence : Pr Catherine Benneteau & Solveig Darrigo-Dratinet - SOJA, Faire de cette légumineuse une véritable alliée santé - Ed. Alternatives

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